Doula, une profession encore méconnue en France.

J’ai eu une chance incroyable de pratiquer mon métier de doula plusieurs années en Australie ou la profession est de plus en plus populaire auprès des familles et maintenant respectée par les équipes médicales également.

En arrivant en France, que ma boulangère ou ma voisine ne sache pas ce qu’est une doula, ok. Mais j’ai été plus que surprise que les sage-femmes rencontrées à l’hôpital local pendant ma grossesse pour une visite de contrôle n’en ai jamais entendu parler non plus! En reprenant mon métier de doula, quelque mois plus tard j’ai rapidement réalisé ‘l’étendue de la situation’ … pour la première fois depuis que je fais ce métier, on m’a refusé l’entrée d’une maternité alors que j’accompagnais une cliente en plein travail …

Comme le démontre cet article du New-York Times, en Amérique du Nord le métier de doula est vraiment bien développé. Il en est de même dans d’autres pays anglophones comme l’Angleterre, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ou notre métier est bien plus répandu qu’en France. Pourtant nous avons bien des associations nationales en France, en Belgique, ainsi qu’en Suisse.

Alors pourquoi la profession de doula est-elle encore si méconnue en France? Pourquoi les doulas rencontrent-elles tant de méfiance dans le milieu médical?

LA GRATUITE DES SOINS

Tout d’abord, il y a notre rapport au coût de notre santé. Quelle chance : la France a l’un des systèmes de santé les plus généreux au monde donc nous ne sommes pas vraiment habitués a payer pour nos soins ! Dans d’autres pays plus libéraux, on sait qu’il faut toujours sortir le porte-monnaie pour sa santé et d’autant plus pour bénéficier d’un accompagnement avec des professionnels plus ‘alternatifs’ comme un acupuncturiste ou une doula. Cela me surprend toujours mais on me demande regulièrement en France si mon service est remboursé par la Sécu…

NOTRE RAPPORT A LA NAISSANCE

Le 2ème point, c’est le rapport à la naissance. Je trouve ce point fascinant car c’est un facteur 100% culturel. En Australie ou en Angleterre, la plupart des femmes veulent en première instance un accouchement physiologique ou ‘naturel’ : pas de déclenchement et pas de recours à la péridurale. Elles veulent au moins ‘essayer sans’. En France, 8 femmes sur 10 accouchent sous péridurale. Pour beaucoup c’est le choix de première instance. Ce n’est pas une option de faire autrement : ‘faut être cinglée pour accoucher sans péri! ‘pourquoi souffrir?!’. Les femmes qui font volontairement un choix physio le murmurent un peu à demi-mot de peur qu’on les accuse ‘d’être un peu sado-maso ou de se croire plus fortes que les autres.’ En France, la perception des doulas étant l’accompagnement physio, alors les femmes souhaitant une péri se disent ‘c’est pas pour moi!‘. Ce qui en passant est absolument faux ! Les doulas accompagnent TOUS LES TYPES D’ACCOUCHEMENTS.

NOTRE RAPPORT A LA SURMEDICALISATION

Le 3ème point plus de femmes sont peut-être plus informées sur la surmédicalisation de la naissance et des violences obstétricales ? On en parle depuis plus longtemps qu’en France ? Des documentaires populaires comme The Business of Being Born , The Face of Birth , Why Not Home?, Orgasmic Birth , ect (certains dispos avec sous-titres français !) sont peut-etre plus . Elles veulent une expérience plus respectueuse et positive lors de leur accouchement et du coup elles savent qu’une doula peut les y aider, toutes les études le montrent et les copines le certifient !

La présence d’une doula améliore les résultats d’un accouchement a la fois pour maman et bébé avec entre autres, une reduction de la duree du travail, moins de césariennes et d’extractions instrumentales (ventouse, forceps), une baisse de sentiments négatifs par rapport a l’accouchement, …

Alors quoi ?! Les femmes en France ne veulent pas d’une meilleure expérience de naissance ?! Bien sûr que si. Mais en France on commence à parler depuis moins longtemps des violences obstétricales par exemple. Le docteur a la parole d’évangile. Le docteur ‘sait’ donc on se laisse porter par le système sans s’informer et s’éduquer.

Il y a un dessin de Sempé qui me fait rire et illustre parfaitement ce propos. Une église vide avec seule devant l’autel, une petite dame, son sac serré sur la poitrine qui s’écrie : « Mon Dieu, j’ai tellement confiance en vous que j’ai envie de vous appeler docteur. » Pas faux.

Ici, cela commence à faire parler … enfin. Des témoignages fleurissent dans les journaux féminins et les réseaux sociaux : des épisio de bouchers, des expression abdominales illégales, des touchers vaginaux sans consentements, …  Pourtant, sans amoindrir ce que ces femmes ont vécues, je pense qu’il n’est jamais bon de seulement critiquer le système et les hôpitaux. Il faut savoir prendre sa part de responsabilité dans le processus aussi si l’on veut changer les choses. Comme j’aime le dire avec un ton ironique : “si tu ne connais pas tes options, c’est que tu n’en as aucune ! »

Être informée et éduquée et se sentir ’empowered’ comme on dit en English justement (autonome, forte et capable) sont absolument les deux facteurs clefs d’une naissance réussie, et cela peu importe comment cela s’est déroulé !

Les études le démontrent, connaitre ses options permet de réduire l’inconnu et le cycle classique « peur-tension-douleur », de prendre une part active dans le processus de décision, et de réduire les risques de trauma due à la perte de contrôle.

Accoucher ne devient plus quelque chose qu’on « subit » en acteur passif, contrairement à ce que j’entends dans beaucoup de témoignages ici. Oui, oui et oui on a des CHOIX et des options lors de son accouchement !! Alors, donnons-nous la chance d’une naissance sans violence.