Une pratique ancestrale et très populaire aujourd’hui
L’idée n’est pas exactement nouvelle. Dans des textes anciens, on retrouve des informations sur les Pharaons Égyptiens qui seraient nés dans l’eau. Dans certaines tribus des îles du Pacifique, les femmes accouchaient dans la mer et encore aujourd’hui, en Guyana, les femmes se rendent à la rivière locale.
Cette pratique est devenue très populaire en occident : dans les pays anglo-saxons (USA, Canada, Angleterre, Australie, Nouvelle-Zélande…) mais aussi européens (en Allemagne, Hollande, Belgique, Suisse et dans les pays Nordiques).
Elle a été portée en France par le Dr Frédérick Leboyer puis le Docteur Michel Odent depuis plus de 40 ans et pourtant notre pays fait encore preuve de pas mal de frilosité face à son utilisation car elle est mal connue. Il y a de nombreuses appréhensions et suppositions.
Il existe très peu de publications médicales et scientifiques sur le sujet en France alors qu’on en retrouve de nombreuses à l’étranger où ses bénéfices ont été prouvés : les taux de morbidités maternelles et néonatales ne sont pas plus élevés quand on accouche dans l’eau.
Il me paraît aussi important de préciser que certaines maternités françaises mettent en avant leurs baignoires et piscines d’accouchement dans leur communication et prospectus mais en réalité n’ont pas forcément le personnel-soignant formé à utiliser cette méthode. Donc vérifiez bien avec le personnel que ce n’est pas juste “pour faire joli” et que vous pourrez réellement l’utiliser le jour J !
Accoucher dans l’eau, où, quand et comment?
Souvent mes clients expriment comme un projet de naissance : « on veut un accouchement dans l’eau« . Mais ce n’est pas un projet en soi, ni une méthode mais plutôt un type d’outil. On peut l’utiliser en fonction de ses envies, aux côtés d’autres outils comme le rebozo, l’appareil TENS, le massage, l’acupression, etc. (voir mon article de Blog sur « Les Outils pour Un Accouchement Serein« )
OU ACCOUCHER DANS L’EAU : les choix d’utilisation d’une piscine d’accouchement :
- Vous pouvez louer une piscine pour une utilisation à la maison le jour de votre accouchement. Cela vous permet de réaliser le début du travail chez vous, avant de vous rendre à la maternité. Parfaite si vous n’avez pas de baignoire, si vous souhaitez plus de place pour être à l’aise ou si votre conjoint.e veut vous y rejoindre pour une séance ocytocine-câlins!
- Vous pouvez choisir une maternité qui offre le choix d’une piscine de dilatation (travail dans l’eau) ou/et qui vous permet d’accoucher de votre bébé dans l’eau. (comme indiqué ci-dessus, vérifiez bien que c’est réellement pratiqué et pas seulement ‘marketing’!)
- Si votre souhait est d’accoucher à domicile (AAD) avec une sage-femme libérale, vous pouvez louer une piscine d’accouchement, comme un outil supplémentaire le jour J.
QUAND ACCOUCHER DANS L’EAU :
Il faut distinguer les 3 moments ou l’on peut choisir d’utiliser l’eau lors de son accouchement.
- Lors du pré-travail ou phase de latence, alors que les contractions sont encore assez irrégulières, il est préférable de choisir la douche plutôt qu’un bain afin d’éviter de ralentir le travail. On peut orienter le pommeau de douche dans le dos et sur les hanches afin de laisser l’eau nous masser gentiment.
- Lors de la phase active du travail, la femme peut alors rentrer dans la piscine, aussi appelée « baignoire de dilatation ». On conseille généralement aux femmes d’attendre la phase active car le bain provoque une telle relaxation que cela peut parfois ralentir le travail si l’on rentre trop tôt dans le bain. A ce stade, l’immersion dans l’eau chaude permet un véritable soulagement pour de nombreuses femmes. Ce moment est globalement reconnu comme étant sans risque et bénéfique.
- Lors de la poussée et sortie du bébé, qui naît alors sous l’eau. En continuité de son environnement aquatique intra-utérin, il ne respirera pas, continuant à recevoir l’oxygène par son cordon ombilical. Dès que le visage de bébé entre en contact avec l’air, il prend alors sa première inspiration par la bouche donc après cela, il ne faut plus l’immerger. Une femme va parfois décider de rentrer dans la piscine juste pour ces derniers instants ou alors au contraire elle va préférer sortir et donner naissance a son bébé hors de l’eau. Ce moment est sans doute celui qui est parfois un peu plus polémique de part les risques associés.
A vous de choisir ce qui vous convient et de trouver ensuite une équipe médicale qui soutien vos choix.
COMMENT ACCOUCHER DANS L’EAU :
L’eau du bain est généralement comprise entre 34° et 37° selon les préférences des femmes mais on évite plus chaud. Mettez des tapis anti-dérapants pour quand maman rentre et sort de l’eau.
L’objectif est de remplir la baignoire a environ 80% afin d’avoir le ventre bien immergé en position assise. Il y a des poignets pour se tenir et adapter ses positions et parfois il y a aussi un petit siège integré dans la piscine pour se reposer.
Selon la taille de la piscine, le conjoint.e peut rejoindre la femme dans l’eau et la soutenir ou la masser plus facilement.
Lors d’un AAD, la sage-femme assiste et dirige l’accouchement depuis le bord de la baignoire. Son accès doit être facile tout autour de la piscine. Elle va surveiller régulièrement les battements du cœur de l’enfant, comme pour tout accouchement.
On évite les huiles essentielles sur la peau de maman car on ne veut pas que cela soit dans l’eau si bébé vas y naître. (Utilisez plutôt un mouchoir avec quelques gouttes à renifler).
Si les contractions ou le travail ralenti trop, on peut changer de position, se lever brièvement car l’air froid stimule ou choisir de sortir de la piscine.
Une fois bébé né dans l’eau, il est recommandé que les femmes sortent de l’eau pour délivrer le placenta côté ‘terre’, afin d’avoir un meilleur champ d’action en cas de complications.
Pourquoi accoucher dans l’eau? Bénéfices et Risques.
L’hydrothérapie regroupe tous les traitements qui utilisent l’eau à des fins thérapeutiques. On peut donc y inclure son utilisation pour la naissance.
Des études publiées à l’étranger démontrent les bénéfices de cette pratique :
- une diminution du recours à la péridurale et de narcotiques
- une diminution du recours à l’ocytocine de synthèse
- une durée de travail possiblement raccourcie
- un taux plus élevé d’accouchement normaux, par voie basse
- une diminution des épisiotomies
- une amélioration de l’élasticité du périnée avec un taux de lésions périnéales diminué.
- une satisfaction accru de la part de la femme qui accouche
Les femmes qui ont testé, témoignent aussi de ses bienfaits :
- être immergée dans l’eau pendant le travail aide à se relaxer et à se sentir en sécurité.
- l’eau soulage les douleurs liées aux contractions et à l’ouverture du col.
- elles se sentent plus libres dans leurs mouvements.
- d’un sentiment de légèreté car “on flotte” donc le ventre paraît moins lourd et il est plus facile de se mouvoir.
Ce dernier point c’est la physique au service de l’anatomie : on a l’impression de se sentir plus léger dans l’eau. Ce phénomène est appelé “la portance”. Lorsque la femme qui accouche est en position semi-allongée (assise sur ses fesses) elle continue a avoir de la mobilité et l’ouverture du bassin nécessaire à la bonne descente de bébé grâce à la portance de l’eau. Cela permet d’éviter de placer son bassin en rétroversion et donc de fermer son coccyx, qui est un souci lorsqu’on adopte cette position semi-allongée sur un matelas par exemple.
Concernant plus spécifiquement l’utilisation de la piscine pour la délivrance du bébé (sous l’eau) un aspect ‘éthique’, lié au ressenti physique du bébé est souvent mis en avant. En France par exemple, l’obstétricien Frédéric Leboyer encourageait cette pratique afin de faciliter une transition plus positive et douce pour le nouveau-né, entre le monde aquatique de l’utérus et le monde aérien.
Les risques mis en avant par les professionnels qui ne sont pas favorables à cette pratique sont souvent :
- un risque d’infection pour bébé lié à une contamination à l’eau avec des micros organismes venant du vagin, de matières fécales ou du streptocoque B. Pourtant, plusieurs études ont démontré qu’il n’existait pas de sur-risque d’infection néonatale associé aux accouchements dans l’eau comparé aux accouchements classiques. Une étude montre même que le taux d’infection à streptocoque B chez les enfants nés dans l’eau de mère porteuse était significativement plus bas que celui des enfants infectés nés de mère porteuse ‘sur terre’.
- un risque de thermorégulation. La température de l’eau du bain ne devrait pas excéder celle du corps humain, environ 37°.
- un risque d’inhalation d’eau. La mise en route de la respiration dans les secondes suivant l’expulsion est déclenchée par des phénomènes encore mal documentés mais qui impliqueraient : des stimuli sensoriels (différence de température, contact avec l’air, …) des stimuli chimiques dans le corps et le clampage du cordon ombilical. Dans le cas d’une naissance sous l’eau, la respiration est inhibée (réflexe d’apnée) tant que le nouveau-né n’est pas porté à la surface. Il est recommandé que ce temps d’immersion soit court (<1 minute).
- un risque d’hémorragie pour la mère lors de la délivrance du placenta. Certains cliniciens évoquent des hypothèses supposant que l’eau chaude utilisée pour relâcher les tensions musculaires de la mère, relâcherait également le muscle utérin et, provoquerait ainsi des ‘atonies utérines’ à l’origine d’hémorragies de la délivrance. Cette hypothèse n’a pour l’instant aucune évidence scientifique.
- un risque d’infection pour la mère, lié à une contamination de l’eau. Cependant, du peu d’études réalisées sur ce sujet, il n’y a aucune différence significative dans le taux d’infections post-partum entre un accouchement conventionnel et un accouchement dans l’eau. Ce risque peut être réduit en utilisant des baignoires facilement désinfectables en hôpital et en couvrant les piscines gonflables à domicile avec un liner à usage unique.
Accouchement dans l’eau, pour qui ?
Il est globalement recommandé que les femmes désirant accoucher dans l’eau doivent être à bas risque, c’est-à-dire ayant une grossesse monofoetale à terme avec un fœtus en présentation céphalique (tête en bas), ne présentant ni pathologie, ni risque ou antécédent particulier.
Il est intéressant de noter cependant qu’en Belgique, dans l’hôpital désormais renommé d’Ostende, qui a développé spécifiquement un département aquatique depuis 1983, des femmes du monde entier viennent accoucher et plus de 6,000 enfants sont nés sous l’eau, dont des jumeaux et des présentations du siège !
D’autre part, le travail et l’accouchement dans l’eau ne conviennent pas à toutes les femmes, car il fait partie d’un choix d’accouchement physiologique et sans péridurale uniquement. La femme doit se sentir tout à fait à l’aise avec cette pratique.
Idéalement la femme a suivi une préparation a l’accouchement afin d’être bien informée et confiante avec ses choix.
Sources :
Camille Henrion. L’accouchement dans l’eau : une étude descriptive évaluant les issues maternelles et néonatales. Gynécologie et obstétrique. 2012. ffdumas-00825841f
Catia Augusto Monteiro & Joëlle Briand. Impact de l’hydrothérapie sur la douleur durant la première phase du travail chez une parturiente à terme. Haute Ecole de Santé de Genève. 2015.
Le internet site Evidence Based Birth https://evidencebasedbirth.com/waterbirth/
Le livre “Revisiting Waterbirth : An Attitude to Care” de Diane Garland, un support professionnel pour les sages-femmes.
L’ organisation Waterbirth International https://waterbirth.org/